T H E - S H A D O W - O F - Y O U R - S M I L E
Tirage jet d'encre sur 2 plaques de plexiglas transparent / Format
: 150x100 cm & 120x100 cm
Ed. 3 + 2ea / 2015Inkjet print on 2 transparent plexiglass plates
Shirin Gallery NewYork 2015 / Violent Luxury (Solo show)
Musée International de la Parfumerie Grasse / Solo show 2017-18
Art Miami New York / Mark Hachem Gallery 2015
Chapelle de l'Observance, Draguignan/ Luxe obscur 2018
Yves
HAYAT, à travers cette exposition intitulée «
Violent Luxury », donne à penser et vise à faire
voir, faire croire, faire agir au sujet de la violence réelle
et symbolique que peuvent incarner ou générer les
déclinaisons du luxe. Cet artiste fait preuve d’éthique
dans son expression artistique sans pour autant nous assener un
« prêt à penser ». Il imagine et dépeint
avec élégance et intelligence les fondements les plus
enfouis d’une humanité inconsciemment persuadée
dans la guerre de son immortalité et sciemment emportée,
dans sa frénésie de consommation, par la dynamique
d’un « violent luxury ». L’exposition est
une démonstration fulgurante d’une forme d’addiction
à la fois au luxe et à la guerre. L’être
passe ainsi à l’état d’aliéné-consommé
comme l’exprime si bien Baudelaire: « vous croyez être
dans votre pipe et c’est vous que votre pipe fume ».
En effet, la création, esthétisante et communicante, d’Yves HAYAT tire toute sa puissance non pas du locutoire mais de l’illocutoire, non pas de l’explicite mais de l’implicite. A aucun moment, Yves HAYAT n’utilise la puissance subliminale de l’art pour dénoncer le luxe, ce qu’il exprime est beaucoup plus subtil. Grâce à un travail démiurgique glacé, fini, esthétique, il parvient à mettre en évidence de façon subversive les dimensions de notre lien ambivalent au « Beau » et au « Mal ». Pour cela, il insiste subtilement sur la position de l’homme aux prises, tout à la fois, avec une consommation ostentatoire et avec l’euphémisme de la violence ancrée dans cette vie mortifère. C’est dans ce balancement, dans cette perpétuelle interaction que nous devons garder à l’esprit, en tant que « chair du monde » selon l’expression de Merleau-Ponty, la question de notre présence dans l’existence. A
qui sait regarder, Yves Hayat montre ce que le luxe produit dans
notre société car il s’agit d’une autre
forme, méconnaissable, transfigurée et légitimée
de la violence. Inexplicablement nous sommes poussés à
travers les arcanes du « marketing », du « packaging
» du luxe à une compulsion qui se voudrait, parfois,
responsable et même utile, mais par laquelle le divertissement,
le loisir, le mimétisme nous font perdre le sens des événements
qui font « l’Histoire », vidant de toute substance
ce qui fait notre humanité. La nature belliqueuse de l’homme
semble bel et bien réelle. D’où le constat d’une
inéluctable violence. La société serait constamment
menacée de ruine et le paravent séduisant du luxe
ne parvient pas à dissimuler cette vérité. Lorsque nous les découvrons, les œuvres que sont les « parfums de violence » qui se réfèrent aux conflits en Ukraine (n°6 parfum de révolte Kiev) ou en Lybie (N° 12 parfum de révolte Tripoli), etc… retiennent notre regard, exercent sur nous une fascination même, alors qu’elles expriment les fureurs et les violences du monde. Nous nous arrêtons sur ces créations qui suscitent une sorte d’émotion car, contrairement à la publicité, elles ne nous trompent pas mais nous rappellent, en mettant en évidence le contraste entre la futilité et la mort, que, dans le conflit, dans la violence, comme dans la richesse ostentatoire de notre société, notre seul cheminement doit consister en un voyage intérieur. N’attendons rien de l’humanité, ni dans la misère, ni dans la richesse, ni dans le luxe, ni dans la guerre ni même dans la paix, accomplissons notre propre voyage et, riches de nous-mêmes, nous n’aurons plus besoin des manifestations extrêmes de l’humanité. Cependant, en toute occasion, il faudrait nous efforcer d’ « assumer le plus possible l’humanité, car la figure de l’homme mérite d’être constamment enrichie. Malheur à qui tente de la réduire ! Ou même simplement d’en limiter les traits. » (Gide) Yves
HAYAT, par sa transcription, dans ses œuvres, de sa perception
contemporaine, nous invite à partir en nous-mêmes pour
trouver notre essence, en dehors d’un luxe déréglé,
sujet à toutes les spéculations, les calculs et les
stratégies des groupes de production. Loin du chaos des combats,
observer ses œuvres à Venise, à Beyrouth, à
Paris ou à New-York, à Cologne ou à Londres,
c’est sonder notre cœur sur son appartenance à
ce monde. La rencontre du luxe et de la violence matérialisée
dans une œuvre d’art est destinée à nous
mettre à l’épreuve car qu’il s’agisse
de guerre, de violence, de luxe, ce qu’Yves HAYAT nous montre
c’est ce que nous avons, inconsciemment sans doute, tendance
à diviniser, à mythifier. En contemplant ces œuvres,
nous prenons conscience que la violence, comme le luxe, peut nous
déshumaniser et nous arracher à ce qui est essentiel
: être digne de la vie et rester digne dans la vie. Ni le luxe, ni la violence ne sont notre vie. Avoir ces œuvres, comme des reliques, chez soi, nous rappelle que nous ne devons être ni dans l’un ni dans l’autre de ces deux excès. Au sortir de cette exposition, nous devons penser à reconquérir notre humanité, à revenir aux valeurs fondamentales propres à notre essence, à faire comme Ulysse qui a reconquis la sienne en revenant chez lui après avoir subi toutes les tentations, après avoir côtoyé les dieux et les magiciennes et avoir connu les promesses fallacieuses d’univers chimériques et les illusions d’univers factices. « Violent luxury » pose le vrai problème de l’homme dans son rapport entre lui et lui-même ainsi que dans son rapport entre lui et ses environnements à l’ère de la démesure insensée (si chère à Dionysos ou Steh) et de la confusion dans l’ordonnance des codes. Ce que nous démontre Yves HAYAT, c’est qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre luxe et violence comme Dostoïveski nous révélait qu’il n’y avait d’incompatibilité entre bêtise de tout ce qui vit et sainteté. Regarder
les œuvres d’Yves HAYAT nous conduit à toutes
ces pensées, sans désespoir cependant car la démarche
de cet artiste, à bien y regarder, est empreinte d’humour,
de dérision et même d’une certaine tendresse.
Il sait garder une distance salutaire entre lui-même et le
monde tel qu’il le transcrit et nous invite, sans nul doute,
à faire de même. Notes
: A l’identique, Pierre Drieux La Rochelle affirmait dans Les Chiens de paille : « l’extrême civilisation engendre l’extrême barbarie » Dans son roman La Route publié en 2006, l'auteur américain Cormac McCarthy nous confronte à un monde post-apocalyptique, ravagé par une catastrophe dont la nature reste inconnue. A travers les pérégrinations interminables d'un père et d'un fils s'acharnant à survivre sans pour autant perdre leur humanité même, dans un style dépouillé à l'extrême, le romancier rappelle des vérités essentielles : avec nos environnements, ce sont nos valeurs qui se dégradent et meurent ; avec ces dernières, ce seront nos environnements que nous perpétuerons et en même temps renouvellerons, adapterons à de nouvelles réalités. Au grand
dam des apôtres d'une culture « noble » et élitiste,
une des réflexions les plus subtiles et poignantes des dernières
années sur les menaces écologiques a été
amenée par les studios Pixar avec le magnifique film d'animation
Wall-E. Beaucoup plus pessimiste que son étiquette de "film
pour enfants" pourrait le faire croire, les robots y sont plus
humains que les humains eux-mêmes : ceux-ci ayant intégralement
détruit la Terre dans leur course forcenée au progrès,
isolés dans une pseudo-société de divertissement
solitaire et morbide, ce qui reste de l'espèce humaine recréée
dans un vaisseau spatial. |
Yves HAYAT,
through this exhibition entitled “Violent Luxury”, gives
us to think about and aims to make us see, believe and act on the
subject of the real and symbolic violence which the declensions
of luxury can embody or generate. This artist demonstrates ethics
in his artistic expression without dealing us “off-the-peg
thinking”. He imagines and depicts with elegance and intelligence
the most deeply buried foundations of a humanity unconsciously impelled
in the war of its immortality and knowingly carried away in its
frenzy of consumption, by the dynamic of a “violent luxury”.
The exhibition is a dazzling demonstration of a form of addiction
to both luxury and war. The being thus passes to the state of lunatic-consummate,
as Baudelaire expresses so well, “you think you are smoking
your pipe and it’s you that your pipe is smoking”. François Birembaux
Notes : Pierre Reverdy
wrote in “The Book of my Board” that “ethics are
the aesthetics of the interior”. In the same
way, Pierre Drieu La Rochelle claimed in Straw Dogs “extreme
civilization breeds extreme barbarism”. |